Panorama
Hommage
Maurice Rajsfus, cofondateur de l’Observatoire des libertés publiques et créateur du bulletin mensuel Que fait la police ? est mort samedi 13 juin. Il a analysé les politiques des ministres de l’Intérieur qui se succédaient et, expliquait-il, justifiaient l’injustifiable. [Libération] Il déclarait l'été dernier : «La violence policière, elle est dans l’ADN du policier. Quand il y a des brutalités sans nom, on nous dit simplement qu’ils ont effectué des gestes enseignés en école de police.» [Libération] Lors du procès Papon, alors que la défense de l'ancien préfet voulait le convoquer comme témoin, il écrivit au président du tribunal : «Envoyez-moi les gendarmes. Ça sera bien de voir un rescapé de la rafle du Vél’d’Hiv, fils de victimes, être obligé de témoigner en faveur d’un complice des bourreaux.» [Le Monde]
Violences policières et racisme
Racisme institutionnel. Des dizaines de travaux de recherche se sont penchés sur la manière dont l'action policière affecte les minorités et objectivent la surreprésentation des jeunes hommes noirs et maghrébins parmi la population cible des contrôles d’identité. [Mediapart] «Rabattre les faits de violences et de racisme sur leurs dimensions individuelles, c’est pourtant (...) alimenter le déni en refusant de considérer le rôle que joue le contexte institutionnel dans la perpétuation des dérives», expliquent la politiste Mathilde Darley et le sociologue Jérémie Gauthier. [Le Monde] Le sociologue Fabien Jobard analyse également : «Les politiques de sécurité, qui ne poursuivent sans doute pas un programme raciste, perpétuent des mécanismes de tri des populations autour de stéréotypes raciaux. Tant que le politique et la hiérarchie ne posent pas ce problème, mais se réfugient derrière la phrase "l’institution n’est pas raciste", la police ne changera pas.» [Le Monde] «C'est honteux de dire que le racisme n'existe pas dans la police, alors que tout le monde le sait, le voit et le subit. Les citoyens comme les policiers», témoigne un policier en détachement depuis plusieurs années dans d'autres administrations qui a entendu de nombreuses remarques racistes tout au long de sa carrière. [franceinfo]
🔫Envisagé comme alternative à la clef d'étranglement, le Taser n'est pas exempt de reproches. Son usage et réglementé et sa dangerosité a déjà été mise en cause : au moins trois morts liées au pistolet à impulsion électrique ont été comptabilisées par l'ACAT en 2019. [BFM] «Il ne faut pas banaliser le Taser, ça n'est pas une arme anodine», prévient Cécile Coudriou, présidente d'Amnesty International France, qui prône plutôt la désescalade. [franceinfo] «En suggérant la non-létalité, ces armes conduisent à déresponsabiliser leurs utilisateurs des conséquences de leurs actes. Par conséquent, la disponibilité de l’arme non létale augmente le niveau de violence employé par les forces de l’ordre», analyse Paul Rocher, économiste et spécialiste de l’impact des armes «non létales». [Libération]
Adama Traoré. Depuis 2016, les experts médicaux se contredisent sur les causes de la mort d'Adama Traoré. Le témoignage de l'homme chez qui Adama Traoré a finalement été interpellé montre quelques incohérences. [Le Monde] «On peut faire tout ce que l'on veut, mais je crois que la situation est clairement établie, les gendarmes sont injustement accusés de choses qui ne sont pas exactes et on a convoqué le tribunal médiatique, le monde politique, artistique pour essayer de peser sur nos juges d'instructions indépendants», commente l'avocat d'un des gendarmes impliqués dans l'interpellation. [franceinfo]
Enquêtes. Le Défenseur des droits a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’arrestation d'un enfant de 14 ans, qui accuse des policiers de l’avoir frappé et gravement blessé à l’œil lors de son interpellation à Bondy (Seine-Saint-Denis). [Le Monde] Le parquet de Marseille a saisi l'IGPN après des violences commises par un policier contre un homme noir lors d'une manifestation contre les violences policières. [franceinfo] L'enquête contre le commandant Didier Andrieux, filmé en train de frapper un manifestant à Toulon (Var) en janvier 2019, est toujours en cours. [Nice-Matin] L'IGPN a été saisie après les violences contre un homme à la gare de Vesoul (Haute-Saône) par deux policiers de la BAC ; le procès-verbal ne correspondait pas aux images de vidéosurveillance. [L'Est Républicain] Trois CRS seront jugés en correctionnelle, l’un pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, et les trois pour faux en écriture publique, après qu'un bénévole britannique venant en aide aux migrants à Calais a porté plainte, vidéos à l'appui. [Le Monde]
Condamnations. Un policier de la BAC de Tours (Indre-et-Loire) a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour violences dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Il a poussé un homme dans le commissariat en avril. [Nouvelle République] Deux policiers étaient toujours en exercice malgré leur condamnation le 14 mai en première instance à Marseille à une peine de prison pour des violences en février 2018 contre un jeune homme. Les policiers ont fait appel de la condamnation. La direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône a annoncé les avoir suspendu le 11 juin. [20 Minutes] L'Etat français a signé un accord à l'amiable avec la famille de Lamine Dieng, un homme noir mort lors d'une interpellation policière en 2007 à Paris. [AFP]
IGPN
Exploitation tardive des preuves, identification laborieuse des policiers, recours à la force souvent légitimé : l'analyse d'une soixantaine de dossiers de l'IPGN permet de mettre à jour les techniques permettant de blanchir les forces de l'ordre. [Mediapart] Les plaintes pour violences policières se heurtent souvent au manque de preuves et à l'esprit de corps des policiers. Les avocats mènent des «enquêtes parallèles» pour chercher des vidéos ou témoignages non pris en compte. [Marianne]
Réaction. «Notre institution est crainte de tous les policiers. Critiquer l'IGPN aujourd'hui, c'est faire injure à leur professionnalisme et leur éthique. Je ne laisserai pas salir leur honneur», a commenté Brigitte Jullien, directrice de l'IGPN, lors d'une conférence de presse. [AFP]
Cédric Moreau de Bellaing, sociologue, revient sur la manière dont sont considérées, par l'IGPN, les violences commises par des policiers : «Sur le registre des fautes professionnelles, il en est un certain nombre qui suscitent, de la part des instances de contrôles et des services disciplinaires policiers, une sévérité bien plus grande que ce qui se manifeste dans les cas d’usage excessif de la violence.» [Mediapart]
«On comprend pourquoi on les appelle "les bœufs-carottes", parce qu'on est vraiment cuisinés», témoigne un policier, entendu par l'IGPN pour une affaire de violences contre un manifestant. [France Inter] «Contrairement à ce qu’on entend, je peux vous dire qu’il y a des sanctions, des poursuites et des condamnations, sans commune mesure avec le justiciable lambda ! Quand ils fautent, ils sont très lourdement condamnés, car ils ont un devoir d’exemplarité», plaide Valéry Bothy, avocat au barreau de Nice, qui défend plusieurs policiers. [Nice-Matin]
Malaise policier et réactions
Policiers et gendarmes «méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation», a déclaré le président de la République dimanche soir, lors d'une allocution. [franceinfo] «Le président a rappelé des évidences. Ce n'est pas un blanc-seing. C'est un rappel de la mission première des forces de l'ordre et ce message est fort», s'est félicité David Le Bars, du syndicat de commissaires de la police nationale, à la suite du discours. [franceinfo]
«Nous ne laisserons pas nos frères d’armes être traités de racistes, et nous de victimes consentantes. Nous refusons l’affirmation que "la police est raciste"», déclarent dans une tribune des policiers «issus de la diversité». [Marianne] «Nous contestons cette accusation de racisme systémique, car au contraire de nombreux "experts", nous connaissons nos services et nos policiers, qui dans leur immense majorité sont dévoués, respectueux», déclare le Syndicat des commissaires de la police nationale. [Le Parisien]
Réactions. A la suite des propositions de Christophe Castaner, les policiers ont manifesté dans toute la France. «Quand vous avez des missions pas simples, des moyens matériels pas toujours adaptés, que vous côtoyez tous les jours la misère et que, derrière, vous faites tant bien que mal votre métier… c’est trop. On n’a jamais nié les problèmes, mais ils sont marginaux. On ne peut pas généraliser», a ainsi commenté Thierry Clair de l’Unsa police. [Libération] Des policiers se sont réunis devant le tribunal de Lyon (Rhône), après l'agression dimanche d'un policier en civil. [Le Progrès]
Précisions. Les enquêtes administratives et judiciaires seront toujours confiée à l'IGPN: la réforme annoncé par Christophe Castaner concerne seulement les audits et rapports. [Libération] «Il n’a jamais été question de remettre en cause la présomption d’innocence à laquelle policiers et gendarmes ont évidemment droit, comme tout un chacun», a précisé Christophe Castaner à la suite de ses rencontres avec des syndicats policiers, au sujet de la considération systématique de suspension en cas de propos ou d'actes racistes. [franceinfo] La clef d'étranglement est toujours d'usage, jusqu'à nouvel ordre, mais «ne sera dorénavant plus enseignée dans les écoles de police», a précisé le directeur général de la Police nationale. [franceinfo]
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