Covid-19
Libertés publiques
Vincent Brengarth, avocat au barreau de Paris, déplore le manque de garde-fou dans la société française : «La gestion étatique de cette crise sanitaire, qui révèle la fragilité, et surtout la vulnérabilité, de notre démocratie, doit constituer une alerte pour notre société. [...] Dans les faits, l’état d’urgence sanitaire a précipité l’éclipse des contre-pouvoirs, dont l’action se trouvait déjà bien amoindrie avant la crise.» [Libération] Jean-Denis Combrexelle, président de la section du contentieux du Conseil d'État, défend les décisions de celui-ci dans ces dernières semaines : «Ce n’est pas au juge de définir une politique de santé publique. Nous sommes là pour voir s’il n’y a pas d’atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales.» [Mediapart]
Plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité sur le délit de non-respect du confinement seront étudiées le 12 mai par la Cour de cassation, soit le lendemain de la fin, prévue du confinement. [L'Obs] «Ce qui est pénalisé ici, ce n’est pas d'enfreindre [les mesures sanitaires]. Ce qui est pénalisé ici c’est le fait d’avoir été verbalisé par la police hors de chez soi à quatre reprises. Peu importe que la verbalisation ait été juste ou non ? Qu’un juge l’annule ou la confirme, peu importe !», s'agace Florian François-Jacquemin, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, qui compare le nouveau délit de violation répétée du confinement à celui de vagabondage. [lundimatin]
Sécurité
Abus. L'IGPN va être saisie après la plainte d'un homme pour violences volontaires à caractère raciste, à la suite d'un contrôle du confinement à Compiègne (Oise). [Le Parisien] À Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire), le procureur a saisi l'IGPN à la suite de la diffusion du témoignage d'un homme victime de violences et d'injures racistes lors d'un contrôle. [France Bleu] Le parquet de Limoges (Haute-Vienne) a saisi l'IGPN après la diffusion de vidéo montrant des violences contre un homme interpellé. [Populaire du Centre] Accusé d’avoir mordu un policier lors d’un contrôle, un homme dépose plainte et veut saisir l’IGPN, assurant que la morsure était «un réflexe de survie, pour se libérer du policier qui l’étranglait». [20 Minutes]
Un enfant de 14 ans se tue au volant en fuyant un contrôle de police à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). [20 Minutes] À Roubaix (Nord), un policier fait usage de son arme pour arrêter un automobiliste refusant d'obtempérer. [La Voix du Nord]
Dans les quartiers populaires, les jeunes sont habités par un «sentiment d’injustice». Les policiers dénoncent de leur côté l'«impunité généralisée». [Le Monde] «Depuis le début du confinement, les policiers sont tout le temps là, ils mettent des PV pour un rien, affirme un habitant d'un quartier populaire de Limoges (Haute-Vienne). Avec la police nationale, ça se passe plutôt bien. Mais avec la municipale et la BAC, c'est plus compliqué.» [Populaire du Centre] Plusieurs habitants du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie (Yvelines), et de cités de Seine-Saint-Denis, assurent avoir reçu par courrier des amendes pour non-respect du confinement sans jamais avoir été contrôlés. [Le Parisien]
La Seine-Saint-Denis affiche des statistiques de verbalisation largement supérieures à la moyenne nationale. Ces écarts qui soulèvent des questions sur les modalités d’intervention policière. [Libération] Bilan. Entre le début du confinement et le 25 avril, les forces de l'ordre ont contrôlé 1 104 060 personnes à Paris et en ont verbalisé 69 082. En Seine-Saint-Denis, les 242 259 contrôles ont donné lieu à 41 103 amendes. [Le Parisien]
«Pour 9 millions de contrôles, nous comptons 120 saisines de l’Inspection générale de la gendarmerie, détaille Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Dont plusieurs sont des remerciements. Et en réalité une quinzaine de cas sur lesquels le discernement n’a pas forcément été total. D’autres, sans doute, ne nous remontent pas et sont réels, mais sur le volume des contrôles, ça ne représente pas grand-chose.» [Ouest-France]
🚲Si le vélo peut-être utilisé aussi pendant le confinement, dans des déplacements dérogatoires ainsi que dans un rayon d'un kilomètres, de nombreuses verbalisations ont été constatées. [La Gazette des communes]
Surveillance. Les vols des drones se multiplient dans le contrôle du confinement. À Paris, ils se font dans le cadre de la dérogation d'urgence dont peuvent bénéficier les forces de l'ordre. [Mediapart] À Istres (Bouches-du-Rhône), le drone de la police judiciaire permet d'identifier les automobilistes en vitesse excessive manifeste. [La Provence]
Envoyés en mission à la frontière franco-italienne, 75 CRS ont dormi dans leur fourgon plutôt que dans leur cantonnement la semaine dernière. Les locaux qui devaient les accueillir n'avaient pas été désinfectés. [BFM]
🐎Pendant le confinement, les gendarmes de Bocognano (Corse-du-Sud) gardent les poneys d'un poney club voisin. [Corse Matin]
Prison
Au 23 avril, l'épidémie est contenue dans les prisons. 101 détenu·es ont été testés positifs au coronavirus depuis le début du mois de mars, dont 33 l'étaient toujours jeudi. 103 autres personnes détenues étaient symptomatiques et en attente de tests. Il y avait, par ailleurs, 269 cas confirmés parmi les personnels de l'Administration pénitentiaire. 276 agents étaient placés en quatorzaine et 1941 en étaient sorti.
Quatre détenus de la maison d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine) réclamaient notamment des cellules individuelles et des masques pour les protéger davantage de la crise sanitaire actuelle. Leur recours a été rejeté par le tribunal administratif. [Le Parisien] Les avocat·es d'Angers (Maine-et-Loire) décident de ne plus intervenir dans les commissions de discipline de la maison d'arrêt, faut de respect des mesures sanitaires. [Ouest-France]
Les demandes de remise en liberté ont explosé avec le confinement, mais les parquets sont soupçonnés de faire « systématiquement appel », selon des avocats qui dénoncent des audiences surchargées. [Mediapart]
Justice
Le confinement montre l'archaïsme numérique de la justice, avec un manque d'équipement et des réseaux VPN ne permettant pas la connexion de tous les magistrat·es et greffier·es. [Mediapart] «Je bénis le ciel qu’Amiens soit site pilote pour la communication électronique pénale, se félicite Dorothée Fayein, bâtonnier des avocat·es de la Somme. C’est une remise en cause collective. Des confrères prennent la maîtrise d’un outil qu’ils abandonnaient jusqu’alors aux plus jeunes ou à leurs salariés.» [Courrier Picard]
À Nantes (Loire-Atlantique), les procès se déroulent sans public mais également sans prévenus, en raison des aléas techniques de la visioconférence. [Mediacités] Quatre prévenus enfermés aux Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône) ont été jugés en leur absence, faute d'extraction, et sans avocats. [Marsactu]
La fermeture des tribunaux en raison de la crise sanitaire relance les dissensions entre avocat·es et magistrat·es. [La Gazette du Palais] «Certes, les magistrats ne nous ont jamais habitué à un courage excessif dans les périodes noires. Aujourd’hui dans une société qui vacille sous la peur et rêve de dictature, ils devraient rendre la justice c’est-à-dire être le dernier rempart institutionnel des libertés publiques et privées contre l’arbitraire. [...] Au lieu de quoi ils se terrent !», plaident trois avocats du barreau de Paris. [Mediapart]
Selon une enquête du Conseil national des barreaux (CNB), un tiers des avocat·es intérrogé·es envisagent de changer de métier ou de partir à la retraite dans les prochains mois. «Les avocats doivent se préparer à une séquence de secousses», prévient Christiane Feral-Schuhl, présidente du CNB. [Dalloz Actualité] Le ministère de la justice a annoncé une avance pour les avocat·es qui perçoivent l'aide juridictionnelle, et pour les avocats récemment inscrits au tableau de l'ordre. [Le Monde]
Pendant le confinement, le suivi à distance des auteurs de violences conjugales n'est pas facilité. L’expulsion du conjoint violent est privilégiée pour éviter d’imposer aux victimes un changement de domicile. [Le Monde]
Et sinon...
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